Mesurer l’impact social : témoignages (1/2)
Measuring the social impact: testimonial from Deloitte (Norway)
La European Fundraisers Association (EFA) a consacré la seconde journée de sa dernière conférence annuelle (Oslo, 21&22/11/2019), que nous résumons par ailleurs, aux outils de mesure d’impact social.
Serait-il opportun que les fundraisers informent mieux leurs donateurs concernant les indicateurs de résultat utilisés par leur association aux fins de mesurer l'impact social des projets de terrain ?
« We have to find a new way to talk to our donors »
Siri Nodland, Secrétaire Générale de la Norwegian Fundraising Association, regrette qu’un peu partout en Europe les associations soient davantage interpelées à propos de leurs frais administratifs ou de collecte de fonds que sur l’impact concret des projets qu’elles mettent en œuvre.
Faut-il se réjouir de ce qu'on publie en Norvège une liste qui présente le Top des organisations qui se distinguent par leur faible pourcentage de frais administratifs, alors qu'il est quasi-impossible de comptabiliser ces frais de manière strictement comparable ?
Pourquoi donc tant se focaliser sur le voltet 'dépenses' plutôt que de mieux informer les donateurs les indicateurs de mesure de l’efficacité des projets ?
« Measuring the social impact »
La Norwegian Fundraising Association estime donc nécessaire de s’intéresser aux nouvelles méthodes de mesure de l’impact social qui pourraient inciter les associations à mieux rendre compte de l'efficacité de leurs projets.
Ainsi la Crown Prince Haakon and Crown Princess Mette-Marit's Foundation a-t-elle fait appel aux compétences de Deloitte (Norway) pour développer un cadre méthodologique susceptible de mesurer l’efficacité des réalisations mises en œuvre par l’association Drive for Life qu’elle soutient financièrement.
Les atouts et limites du cadre méthodologique utilisé dans le cas de l'association Drive for life ont été présentés aux participants du séminaire EFA par Anders Magnus Løken, directeur Risk Advisory pour Deloitte (Norway).
Quel langage commun ?
Anders Magnus Løken constate que les Fondations dont les donations ont vocation à financer des réalisations dans différents domaines – santé, éducation, etc. – ont intérêt à disposer d’indicateurs de mesure d’impact qui permettent de comparer l’efficacité des projets qu’elles soutiennent dans des domaines très divers.
D’où l’importance du choix d’un outil de mesure d'impact de type 'généraliste': "A platform that standardises measurement of impact".
Plusieurs cadres de référence ambitionnent de parvenir à évaluer l'efficacité d'une grande diversité de projets mis en œuvre au service de l’intérêt général.
Citons, parmi les principaux systèmes connus :
- le cadre de référence GRI (Global Reporting Initiative), souvent utilisé par les organisations actives dans le domaine des droits de l’homme,
- le cadre SDG (Sustainable Development Goals), davantage privilégié dans le domaine de la coopération au développement
- le système NEET (not in education, employment or training) qui concerne un groupe-cible plus spécifique.
Certains participants rappelèrent lors du débat que ces processus d'évaluation sophistiqués sont particulièrement coûteux, alors que les projets pour lesquels les ONG traditionnelles collectent des fonds disposent pour la plupart de budgets limités.
On constate également que ces processus d'évaluation produisent des rapports d'évaluation souvent truffés de données chiffrées, dont la lecture n’intéresse ou ne motive qu'une petite minorité de donateurs traditionnels.
Mais il est vrai que de grandes entreprises mécènes, des fondations redistributrices de fonds ainsi que les nouveaux philanthropes issus du monde des jeunes entrepreneurs sont demandeurs de pareils systèmes d'évaluation lorsque leurs donations portent sur des montants conséquents.
Deux autres témoignages furent présentés lors du séminaire EFA de novembre 2019 (lien)
Plateformes européennes de collecte: bilan 2019
European Fundraisers Association (EFA)
Compte-rendu de la rencontre annuelle
22/12/2019 - L’AERF (Association pour une Ethique dans les Récoltes de Fonds) représente les intérêts communs des organisations belges actives en levée de fonds.
L’Union européenne compte une quinzaine de plateformes nationales des acteurs de la collecte dont les objectifs sont relativement similaires à ceux de l'AERF.
Presque toutes sont représentées au sein de l’EFA, la European Fundraisers Association, qui ne compte cependant pas (encore) la plateforme belge parmi ses membres.
L'EFA a notamment pour mandat de représenter les plateformes nationales au niveau européen.
Nous communiquons ci-dessous, suite à la dernière rencontre annuelle de l’EFA (Oslo, 21-22/11) diverses informations et témoignages relatifs aux actions entreprises par ces plateformes dans leurs pays respectifs.
Nous consacrons deux articles distincts sont à la thématique de la mesure de l'impact social des projets, qui fut illustrée lors de la rencontre EFA par des témoignages de Deloitte-Norway et de Geneva Global.
Actions de plaidoyer
Suède
La Swedish Fundraising Council (Giva Sverige) a procédé à un changement de nom, optant pour la nouvelle dénomination 'Give Sverige' qui signifie 'Give Sweden'.
Elle a également modifié ses statuts en vue de favoriser l’adhésion, en qualité de ‘membres associés’, d’associations de taille plus modeste ou qui pratiquent la collecte de fonds dans le cadre de structures para-étatiques (Universités, etc.).
Les membres de Giva Sverige ne sont désormais plus tenus d’adhérer au principal label de qualité géré par la Norwegian Control Committee for Fundraising (Innsamlingskontrollen).
La plateforme norvégienne a créé récemment son propre label - 'Tryggt givande' ou 'Donner en confiance' - qui est réservé aux "full members" qui satisfont à l'ensemble des contrôles imposés par l'organisation.
Giva Sverige entend par ailleurs renforcer ses actions de plaidoyer, et s’appuyera désormais non plus exclusivement sur son réseau de fundraisers, mais davantage sur la capacité mobilisatrice des différents directeurs d’associations.
Pays-Bas
Goede Doelen Nederland s’est vivement opposé à un curieux projet gouvernemental visant à obliger les quelques 350.000 organisations actives en levée de fonds à publier sur leur site les coordonnées des donateurs dont les contributions atteindraient minimum 15.000 € sur base annuelle.
Cette initiative, qui ne sera finalement pas mise en œuvre, visait probablement à faire ainsi pression des organisations extrémistes, notamment d’inspiration islamiste, qui auraient été acculées à reconnaître publiquement leur dépendance par rapport à des fonds étrangers.
Allemagne
Les associations allemandes se mobilisent aux côtés de la Deutscher Fundraising Verband à l’occasion de la révision des critères de reconnaissance des organisations oeuvrant en faveur de l’intérêt général.
Les propositions de l’actuel gouvernement font craindre que plusieurs catégories d’organisations perdent cette reconnaissance ainsi que les avantages qui y sont associés (impôts et taxes, utilisation des lieux publics, etc).
Finlande
L'Association for Responsible Donations (VaLa) s’efforce de sensibiliser les autorités publiques à la nécessité de procéder à un assainissement des nombreuses modalités d’enregistrement et de contrôle tatillon que diverses administrations imposent au secteur associatif.
Irlande
Fundraising Ireland participe activement aux négociations relatives au système de taxation des organisations d’intérêt public.
Norvège
La rubrique Your Voice du site de l'EFA publie un article de Siri Nodland, Secrétaire générale de la Norges Innsamlingsråd, sous le titre 'The fastest growing fundraising channels risk distancing us from our supporters'.
Italie
L'Associazione Italiana Fundraiser (ASSIF) a souhaité s’investir activement dans une campagne de promotion des métiers de la collecte.
Une bande dessinée a été conçue à cet effet, dont près de mille exemplaires ont été diffusés en version ‘papier’ (lien), notamment dans des établissements d'enseignement supérieur.
Il est prévu qu’une version digitale soit prochainement éditée.
Giving Tuesday
Cette campagne internationale de levée de fonds continue de s’implanter dans un nombre croissant de pays européens à l’exception de la Belgique.
La France et l’Autriche (Fundraising Verband Austria) ont procédé en 2019 à un premier lancement national de cette campagne.
Les Autrichiens ont démarré avec peu de moyens hormis le soutien pro bono d’une agence et de quelques artistes renommés, ainsi qu’une prise de parole appréciée du Chancelier.
Certains supports ont été mis à disposition des plateformes nationales voisines (Allemagne, Suisse alémanique).
Promotion des legs
Les campagnes nationales de promotion des legs en faveur de l’intérêt général sont presque toujours – sauf en Belgique - coordonnées par une plateforme nationale des acteurs de la collecte.
Leur évolution au plan européen fait l’objet d’une rencontre annuelle distincte (« Legavision ») et ne fut pas abordé dans le cadre de la réunion EFA.
La campagne norvégienne est financée par 36 associations.
La plateforme nationale constate que les grandes structures acceptent plus facilement d'investir pendant plusieurs années le développement d'une campagne dont les résultats en termes de croissance des legs pourraient n’apparaître qu’après une dizaine d’années.
Nouvelles technologies
Cette thématique fut notamment abordée par la délégation norvégienne, qui constate que des impératifs juridiques freinent l'accès à certaines nouvelles modalités de dons. C'erst le cas en Norvège pour la très populaire app VIPP’S (« contactless donation ») qui ne permet pas à l’association bénéficiaire de récupérer les coordonnées du donateur.
Les plateformes de don en ligne et de type 'peer to peer fundraising' se développent également à l’Est de l’Europe.
Ainsi le peer to peer fundraising est-il plébiscité en Tchéquie par les jeunes générations de donateurs (lien).
A l’Est de l’Union européenne
La disparition des régimes autoritaires qui gouvernaient les pays de l’Est européen a encouragé le développement d’un secteur associatif relativement dynamique. De nombreuses initiatives en matière d’appels à la générosité publique ont vu le jour.
Ces pays disposent presque tous d’une plateforme nationale regroupant les principaux acteurs de la collecte.
Tchéquie
Ainsi, concernant la Tchéquie, la Czech Fundraising Center fait état pour 2018 d’une croissance globale de la générosité publique, alimentée à parts égales par les dons des particuliers (en croissance) et des entreprises (stabilisation).
On y constate également l’émergence d’une génération de grands donateurs, probablement issus du monde des entrepreneurs qui ont créé leur entreprise il y a une trentaine d’années, après la disparition du régime communiste.
Slovaquie
Du point de vue du Slovak Fundraising Centre, la plus performante des campagnes de collecte de fonds réalisée en Slovaquie concernait cette fois l’élection de la nouvelle Présidente de la République.
Une solide équipe de fundraisers réussit à y collecter en peu de temps la somme de €, soit le montant maximum autorisé par la loi, grâce surtout à un recours efficace au crowdfunding et aux réseaux sociaux.
Roumanie
La collecte de rue (ou street fundraising) se développe dans plusieurs pays de l’Est européen.
Il est étonnant de constater qu’en Roumanie les domiciliations mensuelles représentent un pourcentage nettement plus élevé par rapport au salaire mensuel local que ce n’est le cas en Europe de l’Ouest, et notamment en Belgique.
On sait cependant que certains de ces pays sont confrontés à un climat de méfiance ou d’animosité ouverte des autorités politiques à l’égard du secteur associatif.
Pour plus d'infos
L 'EFA publie nombre d'articles concernant l'actualité de la collecte de fonds sur son site.
Il est également possible de s'abonner à la newsletter 'Fundraising Europe'.
Auto-régulation de la collecte: le modèle norvégien
Norwegian Control Committee for Fundraising: témoignage
22/12/2019 - Fondée en 1991, le Norwegian Control Committee for Fundraising est la principale instance indépendante d’auto-régulation du secteur.
La Norvège compte huit millions d'habitants, soit un total de population presque comparable à la Belgique.
D'où l'intérêt d'une comparaison entre le fonctionnement des plateformes d'auto-régulation belge et norvégienne.
Per Kristian Haugen, coordinateur de la plateforme norvégienne, a accepté de nous dresser un état des lieux des enjeux auxquels son organisation se trouve confrontée en matière d'éthique et de transparence de la levée de fonds.
Faible contrôle étatique
La Norvège compte huit millions d'habitants.
Le système public de régulation du marché de la collecte mis en place par les autorités norvégiennes ne semble pas particulièrement exigeant.
Ainsi les modalités officielles d’agrément se basent-elles assez curieusement sur des questions essentiellement administratives (nombre de donateurs, activités sur l’ensemble du territoire) plutôt que par exemple sur des exigences en matière de transparence financière.
Auto-régulation du secteur
Le Norwegian Control Committee for Fundraising est financé par ses 175 organisations membres, au départ d'une cotisation annuelle qui varie de 2.000 € à 4.000 €.
Il attribue un label de qualité à ses membres, qui est conditionné par divers contrôles concernant la transparence des comptes - que les associations sont tenues de publier sur leur site - et le respect de diverses règles éthiques.
Des investigations sont menées notamment suite à des plaintes de donateurs.
Ces litiges, peu nombreux, portent le plus souvent sur des déficiences mineures que les associations acceptent de corriger.
La plateforme offre par ailleurs diverses opportunités de formation à ses membres, par exemple en matière de comptabilité ou de mise en conformité par rapport à la réglementation RGPD.
On précisera cependant qu'en Norvège comme en France le secteur de la collecte dispose de deux plateformes nationales distinctes, centrés
- sur l'éthique et la transparence (Norwegian Control Committee for Fundraising), équivalent de 'Donner en Confiance'
- sur une mission sectorielle plus générale (Norwegian Fundraising Association), équivalent de 'France Générosités'.
Liste des organisations peu recommandables (OBS-Liste)
Contrairement à la plupart des plateformes nationales d'auto-régulation membres du réseau international ICFO, le Norwegian Control Committee for Fundraising publie également une liste d'organisations pour lesquelles les investigations menées donnent à penser qu'elles sont manifestement en défaut de transparence.

Ce registre (OBS-Liste) a été maintenu malgré d'occasionnelles menaces de poursuites judicaires.
Il semble apprécié par ses utilisateurs, tant particuliers qu'institutions diverses.
Cette initiative audacieuse confirme le caractère notoirement indépendant du Norwegian Control Committee, et a contribué à renforcer sa crédibilité et sa notoriété au niveau des médias et du grand public.
Peu d'abus
Le secteur de la collecte est peu confronté aux pratiques commerciales intrusives de certaines agences de fundraising, au contraire de ce que certains médias dénoncent parfois dans d'autres pays européens.
En réalité la Norvège, petit pays, ne compte pratiquement pas d'agences commerciales de fundraising.
Les campagnes de street fundraising y sont par exemple presqu'uniquement directement gérées par les associations bénéficiaires.K Celles-ci sont conscientes que ce choix leur garantit un processus de recrutement de donateurs de meilleure qualité, et à moindre coûts.
Douteuses campagnes de télévente
L'équipe du Norwegian Control Committee for Fundraising est par contre préoccupée par les fréquentes dérives causées par des campagnes de fundraising organisées au départ de coûteuses actions de télévente.
Si ces initiatives sont prétendument destinées à générer des recettes au profit de diverses organisations caritatives, plusieurs exemples donnent à penser que les causes bénéficiaires sont nettement moins avantagées que les call centers dont ces activités constituent le fond de commerce.
On s'interroge également quant au strict respect de la réglementation RGPD concernant les données personnelles des donateurs dès lors que ces call-centers recrutent eux-mêmes de nouveaux donateurs au profit de diverses associations.
Pour plus d'infos
Site du Norwegian Control Committee for Fundraising
Annual report on American philanthropy (2018)
À quoi sert la philanthropie ?
Richesse privée, action publique ou mobilisation citoyenne
27/11/2019 - Les Editions Charles Léopold Mayer annoncent la publication du livre 'À quoi sert la philanthropie ?' de Didier Minot, fondateur du Collectif 'Changer de cap' et de la Fondation 'Monde solidaire'.
Communiqué des Editions Charles Léopold Mayer
Les riches ont depuis toujours légitimé leur situation en faisant preuve de générosité. Mais l’invention de la philanthropie, au XVIIIe siècle, s’accompagne de l’émergence d’une pensée tournée vers l’essor de l’économie privée, le progrès par la science et la domination politique de la bourgeoisie. Au XIXe et au XXe siècle, chaque fois que les grandes fortunes se sont multipliées sans frein, la philanthropie s’est développée dans un double mouvement de justification des inégalités et de traitement privé de la question sociale.Didier Minot s’interroge sur les dangers de la toute-puissance du philanthro-capitalisme. Il réaffirme, dans un contexte de crise sociale et environnementale, la nécessité de l’action publique et de la prise en compte des mobilisations climatiques et sociales. Il décrit l’action des fondations alternatives qui, malgré des moyens limités, apportent un appui déterminant à ces forces émergentes et contribuent ainsi à la construction d’une alternative globale.
Biographie de l’auteur
Didier Minot, ingénieur agronome de formation, travaille depuis quarante-cinq ans sur les démarches participatives, à travers le développement agricole, puis l’aménagement du territoire, le développement local et la mise en réseau des associations citoyennes.
Il a été chargé de mission à la Datar, directeur du Cridel puis de l’École des territoires, et, pendant dix ans, président et animateur du RECit, qui s’est constitué en 2002 à Porto Alegre en lien avec l’expérience de Paulo Freire.
Il a participé jusqu’en 2018 à l’animation du collectif des associations citoyennes, qu’il avait créé en 2010, pour défendre une conception désintéressée et porteuse de transformation sociale des petites et moyennes associations.
Il a créé en janvier 2019 le Collectif « Changer de cap », qui apporte un appui aux mobilisations sociales et écologiques afin d’organiser la convergence et de promouvoir une justice sociale, climatique et démocratique.
Il a par ailleurs créé en 2012 la Fondation Monde solidaire, à partir d’un héritage familial, avec l’objectif de soutenir des actions fortement démultiplicatrices et porteuses d’émancipation. Cette fondation est destinée à consommer son capital d’ici 2020.Les réflexions de ce livre sont en grande partie issues de ces multiples expériences administratives et militantes, de sa participation au monde des fondations depuis 2012 et de la réflexion collective des différents réseaux citoyens auxquels il a participé. Ce livre constitue également un hommage aux multiples héros anonymes qu’il a rencontrés tout au long de son parcours et qui font tenir la société.
Titre: À quoi sert la philanthropie ? Richesse privée, action publique ou mobilisation citoyenne
Auteur: Didier Minot
Editions Charles Léopold Mayer
ISBN 978-2-84377-222-1











