Les rares enquêtes concernant l'évolution des legs en faveur de causes d'intérêt général, au nombre desquelles l'étude 'Legatenbarometer' de HoGent (février 2020) et le Baromètre des legs édité par le Fundraisers Forum, sont confrontées à divers écueils qui altèrent la validité des estimations produites par ces travaux.
1. Volatilité des legs: les variations annuelles sont peu significatives
La forte volatilité de legs, souvent influencée par l'une ou l'autre contribution exceptionelle qui bouscule les statistiques, plaide en faveur d'analyses qui se basent sur plusieurs années d'observations.
Telles sont d’ailleurs les approches privilégiées par les estimations sur base pluriannuelle proposées tant par la recherche Hogent (2020-2018) que par le Baromètre des Legs du Fundraisers Forum (2014-2018).
2. Echantillons basés sur le critère 'minimum un legs perçu durant l'année'
Il est tentant de baser les enquêtes sur un échantillon constitué d'organisations qui ont reçu minimum un legs au cours de l'année observée.
Cette option a pour effet de constituer un échantillon qui n'est guère représentatif des nombreuses organisations qui se sentent concernées par la thématique 'Legs' mais n'en perçoivent que très occasionellement..
Ce type d'enquête produit des résultats qui font état d'un pourcentage relativement élevé de recettes issues des legs, dont on ne peut cependant considérer qu'ils soient représentatifs du secteur pris dans sa globalité.
Une enquête portant sur un échantillon d'organisations qui ont bénéficié de minimum un legs au cours des cinq dernières années permettrait de dégager des résultats davantage représentatifs de la situation générale du secteur de la collecte.
3. Différents secteurs sont systématiquement sous-représentés dans la plupart des enquêtes
Certains pays - Royaume-Uni, Pays-Bas - sont régis par des réglementations qui imposent une publication des différentes catégories de recettes émanant de la générosité publique, dont les legs. Cette obligation permet de produire des statistiques incontestablement exhaustives.
En Belgique les organisations bénéficiaires de dons ou de legs ne sont pas tenues de transmettre annuellement ces données à une instance publique - fédérale ou régionale - qui en publierait une synthèse. Les chercheurs n'ont d'autre option que de collecter ces résultats financiers auprès d’organisations caritatives qui n'acceptent pas toutes de collaborer.
Les résultats de recherches (HoGent, Fundraisers Forum,...) sont dès lors peu représentatifs de certains secteurs pour lesquels les recettes issues des legs sont difficiles à identifier.
Ainsi constate-t-on une nette sous-représentation, dans les enquêtes de la HoGent et du Fundraisers Forum ('Baromètre des legs') des données financières émanant de:
- nombreuses petites associations actives en collecte de fonds
- refuges pour animaux: peu d’organisations de ce secteur notoirement actif sur le créneau des legs font preuve de transparence financière
- culture, patrimoine
- Fonds en Fondations.
4. Fiabilité parfois contestable des sources officielles
Les données financières émanant des pouvoirs publics ne sont pas toujours parfaitement représentatives de la générosité des Belges en matière de legs.
S’il est vrai que certaines organisations sont par exemple tenues de transmettre leurs comptes pour publication via la BNB, cette obligation cause parfois de malencontreuses erreurs d’interprétation.
Ainsi le Top 20 de la Hogent reproduit-il, au départ de sources officielles, d’impressionnants montants perçus en 2018 par les asbl Technofutur et Voetbal Vlaanderen, alors que ces deux structures n’ont en réalité jamais bénéficié de legs (lien).
5. Difficultés en matière d'analyse par secteurs d'intervention
On observera enfin que la répartition des legs par secteur d'intervention est parfois difficle à opérer, dès lors que diverses grandes structures, telle la Croix-Rouge et plusieurs institutions universitaires, bénéficient de contributions qui sont affectées à plusieurs domaines d'intervention.
De même la Fondation Roi Baudouin a perçu en 2018 près de cinquante millions d’euros sous forme de legs consentis en faveur de divers fonds hébergés au sein de cette structure, sans qu'on n'ait connaissance des domaines que les testataires ont choisi de soutenir.
6. Faiblesse des indicateurs concernant l'impact du nombre de sympathisants sur l'évolution des legs
Les enquêtes font assez logiquement état d'une forte corrélation entre le nombre de donateurs d'une organisation (ainsi que leur âge moyen) et les recettes en termes de legs.
Or l'impact de l'apport des donateurs devrait se mesurer non seulement sur base du montant des dons - une donnée relativement accessible - mais aussi en fonction des recettes émanant des événements de collecte (ventes de produits, galas, etc). Or si des données relativement comparables existent quant aux dons récoltés - et donc au potentiel 'donateurs' de chaque organisation - les estimations relatives au nombre total de bénévoles ou de participants aux événements de collecte sont plus difficiles à collecter.
-> Suite: Legs (Recherches) – Croissance des legs
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