Donorinfo: les associations devraient-elles collaborer davantage ?
Dixième anniversaire de Donorinfo
27 novembre 2015 - Quelque 130 représentants du secteur associatif s'étaient donné rendez-vous, ce jeudi 19 octobre, pour célébrer le dixième anniversaire de Donorinfo.
Donorinfo avait choisi d'associer ses invités à une réflexion axée sur les opportunités et limites de diverses formes de collaborations entre associations.
"Les associations peuvent-elles faire autrement que de travailler ensemble ?"
'Joint-ventures': le secteur privé cité en exemple
Erik van Baren, fondateur de Donorinfo et past-président du C.A., rappela d'emblée que le secteur privé recourt souvent à des 'joint-ventures', c'est-à-dire à des associations momentanées regroupant diverses entreprises qui se mobilisent ensemble sur un projet spécifique, dans un domaine ou un pays particulier.
Pax Christi Wallonie-Bruxelles
Nicolas Bossut, Secrétaire général de Pax Christi Wallonie-Bruxelles, livra un témoignage relatif au partenariat institutionnel que son organisation a développé avec la Commission Justice et Paix.
Différents facteurs contribuent à renforcer les chances de réussite d'un partenariat: constat de réelles convergences au niveau de l'objet social et de la culture d'entreprise de chaque partenaire, organisations de tailles comparables, etc.
Si chaque association entend préserver à tout prix sa spécificité, mieux vaut envisager un rapprochement sous forme de collaboration durable, mais limitée.
Ainsi peut-on envisager la mise en place d'un pôle administratif commun. Ce dernier aura notamment pour mission de gérer le secrétariat administratif ainsi que la collecte de fonds des deux associations.
Avantages: gains d'efficacité, économies d'échelle, professionalisation accrue.
C'est la formule choisie par Pax Christi et la Commission Justice et Paix.
Nicolas Bossut constate par ailleurs qu'une fusion apparemment bénéfique à deux associations doit parfois être récusée du fait d'un risque de diminution ou suppression de certains subsides.
Onafhankelijk Leven
Koenraad Depauw, Algemeen directeur de Onafhankelijk Leven, a accompagné plusieurs projets de collaboration ou de fusion pour le compte de son association.
La phase de négociation gagne à être précédée par de nombreux contacts informels, en vue de susciter progressivement un authentique climat de confiance.
L'association Onafhankelijk Leven se réjouit d'avoir réussi à mettre en place un collaboration structurée avec la société commerciale T-Interim.
Il convient de s'assurer que les membres de l'association approuvent le principe d'une collaboration avec un acteur privé.
L'appui de consultants externes - Toolbox, Fonds Ventury Philanthropy (Fondation Roi Baudouin) - ne peut que renforcer les chances de réussite de pareils partenariats.
Qu'en pensent les donateurs ?
Le débat suscita de nombreuses réflexions, dont certaines concernaient le point de vue des donateurs.
D'aucuns craignent que le grand public - plutôt conservateur - de même que certains bénévoles, associent les fusions et collaborations à un risque de perte d'identité des associations concernées.
Il se pourrait que des donateurs davantage impliqués ou plus généreux comprennent mieux l'intérêt de pareils rapprochements entre associations, et se sentent peut-être encouragés à donner davantage.
'Merging charities'
La rencontre organisée à l'initiative de Donorinfo a permis d'aborder une thématique dont le secteur associatif belge n'a guère l'habitude de discuter.
D'autant que certains scénarios relatifs à diverses formes de collaborations - qui préfigurent dans certins cas une éventuelle fusion - suscitent parfois des réactions épidermiques relativement hostiles.
Un détour sur Google permet de constater que l'expression 'merging charities' est associée à nombre de publications qui témoignent de l'approche plus pragmatique du secteur non-marchand anglo-saxon à l'égard de ces questions.
On lira notamment avec intérêt le rapport 'Making Mergers work: helping you succeed', édité avec le soutien de la Charity Commission (téléchargeable au départ de ce lien).
Pour plus d'infos concernant Donorinfo:
Site du portail d'information Donorinfo.
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Le Soir : L’argent que je donne pour Ebola est-il bien utilisé ?
29 mai 2015 – Le Soir (édition du jeudi 21 mai) a consacré un dossier d’une pleine page à la problématique de l’affectation des dons collectés en situation d’urgence.
L’article est paru sous le titre ‘L’argent que je donne pour Ebola est-il bien utilisé ?’
Il pose en sous-titre la question ‘Comment ça fonctionne chez nous ?’
Le dossier du Soir s'inspire dans une large mesure des divers constats avancés par Amy Maxmen, une journaliste d’investigation qui réalisa une enquête de terrain au Sierra Leone à l’occasion de l’épidémie d’Ebola.
Ce travail d'investigation bénéficia d'un financement du Pulitzer Centre on Crisis Reporting.
Les conclusions de son enquète ont été publiées par l’hebdomadaire Newsweek (29/05/2015), dans le cadre d'un article de 10 pages paru dans les éditions américaine et internationale du magazine: 'In Fight Against Ebola, Front-Line Health Workers Risked Their Lives And Never Got Paid'
La recherche d'Amy Maxmen s’appuie sur des données officielles qui donneraient à penser que moins de 2% des financements versés dans le cadre de la lutte contre la pandémie au Sierra Leone auraient été consacrés à la rémunération du personnel de santé local.
La journaliste constate, dans le cadre de son travail d'investigation au Sierra Leone, le contraste flagrant entre le déploiement impressionnant d’équipes internationales parfaitement équipées, et l’état d’abandon du personnel de santé local.
Elle apporte en outre la preuve de ce qu’au cœur de la période de crise Ebola une partie du personnel de soins travaillant sous contrat pour le compte de diverses instances publiques du pays n'a guère reçu le salaire et les primes qui avaient pourtant été financés par divers bailleurs de fonds internationaux.
Le contentieux relatif aux rémunérations impayées soulève à nouveau, comme ce fut le cas lors de précédentes urgences humanitaires, les questions relatives à la fragilité des structures administratives de certains Etats, cause de mauvaise gestion ou de corruption, notamment au niveau du circuit de rémunération du personnel local.
Amy Maxmen a néanmoins pu vérifier qu'au Sierra Leone la Croix-Rouge, comme probablement nombre d'organisations non-gouvernementales, veille à rémunérer directement le personnel qu'elles recrutent au niveau local.
Elle souligne au passage que l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) et l’African Development Bank ont eu le mérite d’expérimenter une procédure de paiement direct par voie électronique, sur base du téléphone portable des bénéficiaires.
L’article de Newsweek décrit d'autres carences significatives qui concernent surtout certaines agences onusiennes présentes au Sierra Leone, ainsi que l’O.M.S. dont un récent rapport a d'ailleurs souligné les faiblesses du dispositif d'aide médicale lors de la crise Ebola.
Amy Maxmen s’étonne par ailleurs des frais de fonctionnement exceptionnellement élevés de certaines agences internationales, tel que U.S. Aid (US Agency for International Development), dont les équipes trustaient les meilleurs hôtels du pays.
L’enquête relève les choix stratégiques malencontreux de certains bailleurs de fonds, telle la création discutable d'établissement provisoires de soins, indépendants du réseau hospitalier local.
De précédentes crises humanitaires ont démontré les effets pervers de ces initiatives qui ne semblent pas toujours se justifier, et qui contribuent dans certains cas à déforcer à terme le réseau national des soins de santé.
L’auteur constate enfin qu’à l’exception de MSF, aucun opérateur international n’a semblé être en mesure de déployer un dispositif global d’intervention médicale adapté aux spécificités de l’épidémie Ebola.
Le dossier de Newsweek propose un intéressant récapitulatif des principaux bailleurs de fonds qui sont intervenus dans le cadre de l'urgence humanitaire Ebola (voir figure).
Il se fait par ailleurs l'écho du jugement sévère exprimé par le directeur de l'agence indépendante Publish What You Fund, qui dénonce sans détour le manque de transparence des agences humanitaires qui fonctionnent sous l'autorité des Nations-Unies.
Les dossiers d'investigation concernant l'intervention humanitaire Ebola, publiés tant par Newsweek que par le New York Times – quotidien qui figure à ce titre parmi les lauréats 2015 du prix Pulitzer – illustrent la capacité de quelques grands médias anglo-saxons à porter un regard critique sur les défaillances de l’action humanitaire.
Le Soir : ‘Comment ça fonctionne chez nous ?’
Reste à répondre à la question posée par Le Soir: 'Comment ça fonctionne chez nous ?'
On notera que le dossier de Newsweek pointe surtout les carences d'agences humanitaires étatiques – tel U.S. Aid – et de certaines organisations internationales relevant de l'aide multilatérale, tel l’O.M.S. ou des agences onusiennes.
A l’inverse la générosité des belges est presque exclusivement collectée, à l’exception d’Unicef Belgique, pour le compte d’authentiques organisations non-gouvernementales.
Leur efficacité en matière d’intervention humanitaire en situation d’urgence ne semble pas être directement mise en cause par l'enquête de l'hebdomadaire américain.
Le Soir rapporte les propos d'Erik Todts, directeur du Consortium 12-12 pour les Situations d'urgence, qui juge caricatural le chiffre de maximum 2 % de fonds alloués, selon l'article de Newsweek, au paiement du personnel local.
Et de préciser, concernant les organisations membres du Consortium 12-12, qu'en moyenne 80% des dons sont utilisés pour l'aide sur le terrain. Ce montant n'est toutefois pas exclusivement dépensé sur place, car il comprend notamment des frais de coordination des opérations.
Christof Godderis, porte-parole de MSF, précise dans le même article que 90% de l'argent récolté par son organisation est affecté aux dépenses opérationnelles. Pour l'année 2014 26% des dons a servi au paiement des salaires du personnel local.
Sources d’infos :
- Le Soir - ‘L’argent que je donne pour Ebola est-il bien utilisé ?’ (21-05-2015)
- Newsweek – ‘In Fight Against Ebola, Front-Line Health Workers Risked Their Lives And Never Got Paid’ (19-05-2015)
- New York Times – article ‘W.H.O. Needs Reforms in Wake of Ebola Crisis, Report Says’ (12-05-2015)
- New-Yor Times - article 'Responding to Ebola: the back story' (07/09/2014)
- Site ‘Publish what you fund’
Autres articles d'actualité publiés sous Archives 2013-2015 - Appels d'urgence.
Autres articles d'actualité publiés sous Archives 2013-2015 - Ethique & Transparence
Privatisation des campagnes de collecte de fond : danger ?
Négliger l'éthique, pour plus d'efficacité dans la collecte ?
25 Mai 2015 - Est-ce à raison que la plupart des associations belges s’imposent des balises sévères en matière de pourcentage de frais de collecte, et récusent le recours fréquent à des appels de fonds à tonalité misérabiliste ?
Certaines campagnes de prospection de donateurs s'embarrassent fort peu de pareilles considérations d'ordre éthique. Leurs techniques de collecte privilégient davantage une optimisation immédiate des recettes (résultat net), souvent associée à un pourcentage très élevé de frais de collecte.
Tel est du moins le constat que font certains au vu du succès de coûteuses campagnes de prospection réalisées à l‘initiative d’associations - tel Mercy Ships Belgium ou Child Help - qui ont d'ailleurs choisi de ne pas souscrire au code de conduite éthique mis en place par l’A.E.R.F. (Association pour une Ethique dans les Récoltes de Fonds).
Mercy Ships
C’est ainsi que Mercy Ships Belgium, association fondée en décembre 2009, comptait quatre ans plus tard 20.000 donateurs mobilisés sur base de fréquents appels aux dons, souvent rédigés à partir de témoignages et de visuels à tonalité tragique.
La collecte de fonds de Mercy Ships s’élevait déjà à 1,5 millions de dons par an en 2013, sans que ce montant ait été gonflé par l'apport d'un legs exceptionnel.
L’association sous-traite ses opérations de prospection auprès de la société DSC (Direct Social Communications).
Lire : 'Ethique de la collecte : témoignage de Direct Social Communications'
Quelques années plus tôt, l'association 'Christian Blind Mission' (CBM) devenue depuis lors 'Lumière pour le Monde' avait également connu plusieurs années de progression foudroyante de sa collecte de fonds sur le marché belge, également sur base d'appels de fonds récurrents.
Les mailings de 'Lumière pour le monde' sont réalisés en interne, et proposent le plus souvent au donateur de contribuer à rendre la vue à un enfant atteint de cécité.
Campagne de Noma: ‘Rendez leur sourire à ces petits visages défigurés.’
Et voici que depuis début 2015 l’asbl Noma, nouvel acteur sur le marché belge de la collecte, sollicite à son tour nos concitoyens, dont notamment les lecteurs de La Libre Belgique et de l’hebdomadaire Dimanche, sur base d’un appel aux dons truffé de visuels particulièrement durs (confer visuels 'Sarai Ali' et 'Malia Amadou'), que d’aucuns auront probablement jugé inappropriés.
De création toute récente, dirigée par trois administrateurs qui résident tous en Allemagne, l’association belge Noma a établi son siège social à Bruxelles, à l’adresse de la société commerciale DSC.
Madame Ute Winkler-Stumpf, présidente du Conseil d'administration, nous confirme depuis Berlin que l’asbl qu’elle dirige ainsi à distance a chargé la société DSC de gérer toutes les opérations de prospection ainsi que de gestion des donateurs.
Elle reconnait que l’association belge ne compte guère de membre ou réseau de bénévoles en Belgique au moment (avril/mai 2015) où les premiers mailings massifs de recrutement de donateurs sont lancés.
Il apparait que Madame Ute Winkler-Stumpf dirige par ailleurs l’association allemande Hilfsaktion Noma e.V., qui investit quelque 2 millions d’euros par an dans des campagnes de sensibilisation et des projets, notamment médicaux, en matière de lutte contre le noma.
Hilfsaktion Noma e.V. est affilié à la Fédération internationale Noma, qui regroupe une trentaine d’organisations membres. On précisera volontiers que nul ne conteste le bien-fondé des projets que ces associations mettent en œuvre dans les pays du Sud.
Le réseau international INFA:
montée en puissance des réseaux internationaux d'agences de fundraising
Le mode de lancement de l’asbl Noma, dont l’installation sur le marché belge est donc intégralement pilotée par la société DSC, illustre l’influence discrète mais non moins déterminante des agences privées de fundraising sur le marché de la générosité publique.
Ces opérateurs commerciaux proposent des formules de type ‘full service’ qui permettent de leur sous-traiter entièrement la collecte de fonds. Mais il est également possible pour une association active dans un pays A de sous-traiter intégralement son expansion dans un pays B en faisant appel aux services d'une agence commerciale spécialisée en collecte de fonds. L'agence commerciale veillera à ce qu'une entité juridique sans but lucratif soit créée dans le pays B, dont elle gèrera en réalité elle-même la collecte de fonds.
L’association Hilfsaktion Noma e.V. collabore avec la société Marketwing GmbH dans le cadre du recrutement de ses donateurs sur le marché allemand. Cette agence allemande de fundraising fait partie de l’International Network for Fundraising Agencies (INFA Network), un important réseau international d’agences commerciales dont est également membre l’agence de fundraising DSC, qui opère depuis Bruxelles. Bien que de taille relativement modeste, Hilfsaktion Noma e.V. a eu ainsi l'opportunité de développer un ambitieux projet de prospection de donateurs sur le marché belge en signant un accord de sous-traitance avec l'opérateur commercial DSC.
On reconnaitra volontiers que les agences commerciales de fundraising regroupées au sein de l’INFA Network proposent diverses prestations efficaces et nullement critiquables. Mais leur force de frappe ne manque pas d’étonner, dès lors qu’elles semblent en mesure de procéder pratiquement ex nihilo, comme dans le cas de la jeune asbl Noma, à la création d’associations dont la société commerciale pilote intégralement l’expansion, sur base de fréquents mailings de prospection, souvent à tonalité misérabiliste.
Les agences commerciales, principaux vecteurs de messages 'poverty-porn' ?
On remarque que ces 'fundraising agencies' apprécient particulièrement de pouvoir travailler pour des causes liées à des souffrances physiques qui peuvent être associées à des visuels susceptibles de bouleverser le donateur: lèpre, noma, enfants atteints de cécité, de spina bifida ou d'hydrocéphalie, autres maladies et handicaps physiques nécessitant des interventions chirurgicales impressionnantes.
Ce recours assez fréquent à des témoignages poignants et à des visuels plus ou moins dégradants met presque toujours en scène des personnes déshéritées de l’hémisphère Sud.
Car il est bien évident que l’opinion publique ne supporterait guère que des patients en traitement dans un établissement de soins situé en Belgique soient photographiés et décrits de manière aussi misérabiliste.
La fréquence accrue des appels aux dons à tonalité misérabiliste confirme pour certains la montée en puissance, dans différents pays européens, d'agences commerciales qui préconisent le recours assez systématique aux techniques de prospection agressives propres au charity-business.
Mais la Belgique n'est pas le seul pays dont les donateurs s'étonnent de recevoir parfois des appels aux dons manifestement conçus en vue de choquer et d’exacerber leur culpabilité. Ces pratiques sont d'ailleurs régulièrement dénoncées dans les médias de divers pays anglophones, où on leur attribue volontiers le qualificatif 'poverty-porn.'
-> Lire: 'Emotive charity advertising – has the public had enough?' (article paru dans The Guardian - 29/09/2014)
Privatisation accrue de la collecte, moindre vigilance du secteur associatif
Un nombre croissant d’associations de taille modeste semblent tentées de sous-traiter complètement leur collecte de fonds.
L'influence de l’agence commerciale en charge du fundraising s’avère dans ce cas de plus en plus souvent décisive, tant dans le choix de la tonalité des messages adressés aux donateurs que dans la fixation du pourcentage maximum des frais de collecte.
D’aucuns croient percevoir un relatif affaiblissement de la fonction de contrôle qui devrait être assumée par les organes décisionnels des associations concernées : Assemblée générale, conseil d’administration.
On s’étonne par exemple d’un évident manque de vigilance et de réactivité dans le cas d'appels de fonds dont la tonalité ne semble pas respecter la dignité, ou ne fut-ce que le ‘droit à l'image’ des bénéficiaires.
L'exemple de l'asbl Noma soulève par ailleurs la question du contrôle associatif relativement aléatoire dans le cas d’une asbl belge uniquement gérée par des administrateurs (allemands) résidant en Allemagne.
Car comment s’assurer que des administrateurs résidant tous à l’étranger exercent un contrôle vigilant sur des opérations de levée de fonds gérées par un sous-traitant commercial qui pourrait être tenté, comme c’est parfois le cas, de produire de fréquents mailings à tonalité misérabiliste, ou de recycler un pourcentage élevé des recettes issues des dons dans de nouvelles opérations de prospection ?
Transparence financière
Les associations qui investissent assez massivement dans des mailings de prospection auraient probablement intérêt à publier des résultats financiers clairs et transparents, en précisant notamment le pourcentage des recettes issues des dons qu'elles affectent d'une part à l'objet social décrit dans leurs appels de fonds, et d'autre part aux divers frais de structure, de communication et de collecte de fonds.
L'association Child Help, dont les comptes 2013 ont le mérite d'être publiés sur le site de l'association, déclare 609.359 € en recettes et 601.302 € en dépenses, montant dont 37% était affecté à des projets mis en oeuvre dans les pays du Sud.
88% des recettes, soit 537.171 €, proviennent de donateurs mobilisés via l'agence commerciale DSC, à côté d'un apport complémentaire de donateurs propres à hauteur de 47.225 €
Les dépenses en matière de communication et de récolte de fonds comprennent notamment les frais de prospection de DSC (361.648 €), les honoraires DSC (48.525 €) et le poste 'Sensibilisation de nos propres donateurs' (159.581 €), soit un montant total de 569.754 €.
On précisera cependant que les comptes mentionnent par ailleurs, au niveau des charges, un montant négatif de - 269.994 € ('Revenus du recrutement de nouveaux donateurs'), en sorte qu'on a au final quelque peine à calculer avec précision le pourcentage total des frais de collecte de cette association.
Le secteur associatif belge gagnerait-il à marquer plus clairement ses distances par rapport aux campagnes d’appel aux dons inutilement agressives, produites par certaines agences commerciales ?
N'y a-t-il lieu de craindre que la multiplication de mailings de type ‘charity-porn’, ainsi que le coût élevé de ces opérations de prospection, suscitent lassitude et irritation auprès des donateurs, dont la confiance vis-à-vis des acteurs de la collecte risque d’être gravement entamée ?
-> Autres articles concernant cette thématique, répertoriés sous
'Direct Social Communications: des techniques de fundraising souvent critiquées'
-> Autres articles d'actualité répertoriés sous Archives 2013-2015 - Ethique & Transparence.
Bonnescauses.be, nouveau portail associatif
11 février 2015 - Créé grâce à un financement de la Fondation Roi Baudouin et mis en œuvre par Socialware, le site Philanthropie.be est devenu en peu de temps une précieuse source d'information appréciée par nombre de donateurs.
L'équipe de Socialware a gagné en quelques années la confiance de quelque 2.933 associations, réparties sur l'ensemble du pays (figure ci-dessous), qui figurent à ce jour sur le portail Philanthropie.be.
Le portail américain GuideStar International avait servi un temps de modèle aux initiateurs du portail belge. Ceux-ci se sont heureusement abstenus d’appliquer en Belgique le système de scoring du degré de transparence des associations que différents sites américains encourageaient à cette époque.
La Fondation Roi Baudouin gère à présent, en interne, un nouveau portail trilingue bonnescauses.be - goededoelen.be - gutesache.be. Les fonctionnalités de ce site semblent assez comparables à celles de la plateforme Philanthropie.be.
Transparence financière
Le site Philanthropie.be avait veillé depuis ses débuts à établir une connexion entre les informations publiées par les associations et diverses données provenant de la Banque Carrefour des Entreprises et de la Banque Nationale.
On note cependant que ces données financières sont globalisées, et ne permettent dès lors guère de cerner les recettes et dépenses par activité, tel que: frais généraux, communication, collecte de fonds, activités en lien direct avec l’objet social.
Benoit Fontaine, conseiller à la Fondation Roi Baudouin, précise que les informations émanant de la Banque Nationale sont à présent automatiquement réactualisées sur le site bonnescauses.be
Il se pourrait par ailleurs que la base de données lié au nouveau portail soit désormais davantage exploitée les experts et membres de jurys travaillant dans le cadre de la Fondation Roi Baudouin – ainsi qu'ailleurs - puisque ce site leur permet de vérifier la fiabilité des organisations en demande de soutien.
Les associations en quète de mécénat gagneraient dès lors à soigner leur présence sur ce site.
Mais qu’en pensent les donateurs ?
Notre pays compte à ce jour cinq portails d’information qui s'appliquent à renforcer la transparence des organisations bénéficiaires de la générosité publique:
- Philanthropie.be, portail créé par Socialware
- bonnescauses.be, nouveau projet inauguré il y a peu à l'initiative de la Fondation Roi Baudouin
- donor-info.be, une initiative de la Fondation Donorinfo
- aerf-vef.be, portail de l'Association pour l'Ethique dans les récoltes de fonds
- livre-ouvert/openboek, une initiative d'Acodev et de NGO Federatie, les fédérations francophone et néerlandophone d'ONG actives dans le secteur de la solidarité internationale.
Ces diverses plateformes d'information sont appréciées par nombre d'organisations soucieuses de transparence, notamment en matière financière. On manque cependant d’indicateurs permettant d’apprécier dans quelle mesure ces supports suscitent l'intérêt, non seulement des acteurs de la collecte mais également et surtout des donateurs.
Et à l'étranger ?
Nos pays voisins ont également vu émerger diverses réalisations un tant soit peu comparables, quoique parfois plus ambitieuses.
Citons notamment:
- le portail infodon.fr, une initiative de France Générosités,
- le lancement plus récent de la Kennisbank Filantropie, un ambitieux projet néerlandais qui poursuit différents objectifs, notamment en matière de transparence financière et d'analyse statistique de la générosité publique (schéma ci-joint),
- le portail JustGiving, pièce maîtresse du dispositif de promotion de la générosité au Royaume-Uni.
Jury d'Ethique Publicitaire: derniers jugements
Davantage de campagnes qui dérangent,
davantage de plaintes ?
27 janvier 2015 - Les campagnes nationales de sensibilisation ou d’appel aux dons coûtent en règle générale relativement cher.
Davantage d'associations sont dès lors tentées d'en optimaliser l’impact, grâce notamment à la diffusion de slogans ou de visuels qui interpellent, dérangent et peuvent heurter certaines sensibilités.
Quoique plus ou moins choquants, la plupart de ces messages ne sont toutefois ni misérabilistes ni attentatoires à la dignité humaine des bénéficiaires, et ne contreviennent dès lors guère aux principes édictés par l’AERF (Association pour une éthique dans les récoltes de fonds).
Convaincus de ce que certaines campagnes du secteur associatif ne respectent guère le code éthique des professionnels du secteur publicitaire, des consommateurs saisissent dans certains cas le Jury d’Ethique Publicitaire (J.E.P.), qui est amené à se prononcer sur le bien-fondé de ces plaintes.
Le jury du J.E.P. s’est récemment prononcé sur trois dossiers concernant les campagnes de Memisa, Gaia et Greenpeace.
Les arguments des plaignants ont été rejetés dans chacun des trois cas.
Exposé des plaintes et commentaires du J.E.P. (extraits):
MEMISA : campagne ‘Maman, tu me manques’ (dossier clôturé le 21-10-2014)
La plaignante a communiqué qu’elle ne sera pas la seule femme qui a perdu un enfant, qui ne peut pas avoir d’enfants ou qui a perdu le contact avec son enfant. On peut vouloir récolter des fonds, toucher les gens, mais selon elle, cette manière de toucher est un coup bas.
(...) Le jury estime que l’annonceur ne veut absolument pas choquer, ni blesser. Il espère que le plaignant comprenne qu’avec la campagne « Maman, tu me manques » l'annonceur veut uniquement sauver des mères. Il pense ne pas avoir violé le code AERF.
GAIA : Campagne contre le foie gras (dossier clôturé le 06-01-2015)
Le plaignant considère que ces images sont révoltantes. Elles passent avant le JT, aux heures habituelles des repas, devant par exemple ses petits-fils de 6 et 3 ans qui ont failli vomir dans leur assiette. Il comprend le message de défense des animaux mais trouve qu'il est, tel que présenté, totalement déshumanisant.
(...) Le Jury est d’avis que la bande sonore et les images utilisées présentent un lien direct et une proportionnalité avec le but recherché par la campagne contre le foie gras et avec le message à transmettre.
Le Jury a donc estimé que les spots en question ne sont pas contraires aux Règles du JEP en matière de publicité non commerciale et ne témoignent pas d’un manque de juste sens de la responsabilité sociale.
Le Jury a également estimé que les spots ne portent pas atteinte à la dignité humaine et ne contiennent pas non plus de propos ou d’images de nature à offenser les normes de décence couramment admises.
GREENPEACE : campagne pour l’énergie renouvelable (dossier clôturé le 06-01-2015)
Le film « Don Quijote de La Manche-sur-Tihange » met en scène un descendant de Don Quichotte qui combat les éoliennes. A la fin apparaît le texte « Seuls les idiots s’opposent aux éoliennes » et la mention du site « www.jenesuispasidiot.be ».
(...) Le Jury est d’avis que la mention « Seuls les idiots s’opposent aux éoliennes » est dans ce contexte une provocation en vue de susciter la discussion et d’inciter les consommateurs à opter pour des sources d’énergie renouvelable.
Le Jury est également d’avis que cette mention présente un lien direct et proportionnel par rapport à la finalité de la campagne de l’annonceur et que le consommateur moyen prendra cette expression au second degré.
Vu ce qui précède, le Jury a estimé que la mention en question ne porte pas atteinte à la dignité humaine et n’est pas de nature à être comprise par le consommateur moyen comme dénigrante.
Pour plus d'infos:
Le site du J.E.P. publie l'ensemble des dossiers relatifs aux plaintes - concernant très majoritairement des entreprises commerciales - que l'organisation a été amenée à traiter au cours des dernières années. Chaque dossier présente un résumé de la motivation de la plainte, de la position de l'annonceur et des arguments du jury.
Liens:
- Plainte contre MEMISA : campagne ‘Maman, tu me manques’
- Plainte contre GAIA : campagne contre le foie gras
- Plainte contre GREENPEACE : campagne pour l’énergie renouvelable
- site du J.E.P.
Autre article sur le même thème: Jury d'Ethique Publicitaire: plainte contre FLAIR
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