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Remettre l'éthique au coeur de l'action

11 février 2015 - Jean-François Mattei est médecin français, et fut député et ancien ministre de la Santé avant de devenir président – actuellement honoraire – de la Croix-Rouge française.
Auteur de nombreuses publications, il consacre son dernier livre à une analyse sans concession des écueils de l’action humanitaire à la mode occidentale. Son témoignage se fonde sur le bilan des deux catastrophes humanitaires majeures que furent le tsunami du sud-est asiatique (2004) et le tremblement de terre en Haïti (2010). 
Au-delà des constats relatifs à l’irréversible mutation humanitaire dont il cerne les principaux contours, l’auteur propose de remettre l’éthique au cœur de l’action.

L’époque actuelle voit nombre de médias adopter un même cycle de communication, adressant au lendemain de chaque urgence un message positif sur l’aide, puis délivrant peu de temps après une analyse critique sur le bilan de l’action humanitaire: « Qu’avez-vous fait de tout l’argent qui vous a été donné ? »
Or l’action humanitaire dans sa globalité ne peut pas toujours s’apprécier sur le temps court.

La France n’aurait que trop longtemps dissocier aide humanitaire en urgence et projets de développement, méconnaissant l’importance de l’action humanitaire durable. Aujourd’hui enfin urgentistes et développeurs collaborent davantage.
Mais pour être durablement efficace, le champ humanitaire devrait s’investir davantage dans la pré-crise (prévention et la préparation aux catastrophes, réduction des risques), ainsi que dans la post-crise (réhabilitation des victimes dans une perspective d’autonomie).
Un rapport d’Oxfam établissait qu’en investissant 1 euro dans la réduction des risques dans les pays en développement, on épargnerait environ 7 euros dépensés pour répondre aux catastrophes.
Prévenir et préparer de vient un principe d’action tout aussi évident que porter aide et assistance.

Jean-François Mattei constate cependant que les donateurs privés ne considèrent pas la réduction des risques comme prioritaire.
Il rappelle que depuis 2010 les Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont décidé de consacrer 10% des dons reçus lors d’appels d’urgence au financement d’opérations de réduction des risques.

L’auteur consacre un important chapitre à l’éthique au service de l’humanitaire.
La démarche éthique concerne les acteurs humanitaires et les bénéficiaires, mais également les donateurs : puissent-ils accepter que leurs contributions soient affectées aux besoins réellement prioritaires, et non à ce qu’ils estiment eux-mêmes nécessaire.

Analysant le contre-modèle dramatique que fut l’affaire française de l’Arche de Zoé, Jean-François Mattei rappelle que « faire du bien » est un objectif difficile, qui nécessite une méthode scrupuleuse centrée en toute circonstance sur la personne aidée.

L'homme doit retrouver le sens de son humanité et de sa dignité, et l'éthique est probablement le meilleur guide qui puisse nous guider en matière d'action humanitaire.

Le docteur Mattei fait le constat de l'évidente convergence au plan des principes éthiques qui régissent médecine et action humanitaire.
Ces deux démarches rejoignent la notion de "responsabilité pour autrui" proposée Emmanuel Levinas, qui soulignait notre vocation à répondre à l'appel du visage de l'autre.

Références
 :

Jean-François Mattei – L’humanitaire à l’épreuve de l’éthique, 180p., 2014
Edition LLL Les Liens qui libèrent, ISBN 979-10-209-0159-0, 15 €.

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