Fundraisers.be

15 juillet 2017 – Le quotidien Het Laatste Nieuws du 14 juillet consacre un dossier à la récente décision des autorités communales de la ville d’Ostende qui ont retiré aux associations l'autorisation de mener des opérations de recrutement de donateurs dans les rues commerçantes de la ville.
La plupart des médias néerlandophones se sont fait l’écho de cette décision, qui concerne plusieurs associations telles que NICEF, le WWF, Greenpeace ainsi que la Croix-Rouge.

Pour Johan Vande Lanotte (SP.A.), bourgmestre d’Ostende, nombre de passants se plaindraient d’être exagérément sollicités (“aangeklampt”) tandis  que les commerçants de la ville estiment perdre des clients du fait de la présence de recruteurs aux alentours de leurs établissements.
Le Laatste Nieuws rapporte que le S.N.I. (Syndicat National des Indépendants) s’était également fait l’écho de récriminations émanant de certains de ses commerçants affiliés.
Le bourgmestre d’Ostende propose que les ONG se tourner davantage vers d'autres modes de recrutement, tel qu'Internet et les réseaux sociaux.

Une technique de prospection efficace, mais parfois jugée invasive

Pour Philippe Henon - porte-parole d’UNICEF - ainsi que Koen Stuyck (WWF) le street fundraising est une technique de recrutement de sympathisants nettement plus efficace que les appels à la générosité par mailings ou au travers d’annonces en presse écrite et radio-télévisée.
Le recrutement sur la voie publique a ainsi permis à l’UNICEF de mobiliser plus de 75.000 nouveaux donateurs en 2016, qui acceptent de verser de 9 à 10 euros par mois.
Il semble donc incontestable qu'une diminution de la collecte au moyen du street fundraising ne pourrait être compensée par le recours accru à d'autres techniques de prospection.

Les associations sont toutefois conscientes du risque d’irritation que peut provoquer l’approche quelque peu  intrusive du street fundraising, qui débute par une interpellation directe du passant, et se prolonge en fin de dialogue par une proposition qui privilégie toujours la souscription à un engagement de don mensuel.
L’article du Laatste Nieuws cite Maarten Boudry, philosophe et moraliste de l’Université de Gand, lequel observe que les recruteurs évitent d'offrir aux personnes contactées l’opportunité de repartir avec un dépliant leur permettant de réfléchir à l'aise, chez eux, à l’opportunité d’un don.

Peu de critiques en Belgique, davantage à l’étranger

Le street fundraising n’a à ce jour que rarement fait l’objet de contestations en Belgique, si ce n’est à l’occasion d’une interdiction similaire prononcée en 2011 à l’initiative de Louis Tobback (SP.A.), bourgmestre de Leuven (lien).
Ce mode de prospection a bien fait l’objet de critiques aux Pays-Bas, où son rendement serait plus faible qu'en Belgique (lien).
Les médias britanniques se sont par contre souvent mobilisés contre le comportement jugé agressif de certaines équipes de recruteurs, désignés par leurs détracteurs sous la dénomination péjorative de  « chuggers ».
Les autorités britanniques ont dès lors mis en place une structure de régulation, appelée Public Fundraising Regulatory Association (PFRA), chargée de réglementer de manière contraignante les opérations de recrutement de donateurs sur la voie publique.  
Un article du Daily Telegraph révélait en avril 2016 que le PFRA avait délivré en trois ans des amendes à hauteur de £ 165.000 pour non-respect des règles en matière de street fundraising (lien).
Le PFRA a été dissous en 2016 lorsque divers organismes de régulation du marché de la collecte ont été transférés au sein du Fundraising Regulator.
Cette nouvelle instance a édité un Rule Book 'Street Fundraising' dont les dispositions sont également relativement strictes.

-> Lire 'Street fundraising: auto-régulation sévère, amélioration incontestable' (lien)

L'Institute of Fundraising a mené au cours des derniers mois une importante enquête de type 'mystery shopping', destinée vérifier le comportement de neuf cents recruteurs.
Le nombre d'infractions constatées s'est avéré être en forte baisse en comparaison aux années précédentes (lien1 et lien2).

Prévenir les risques d’irritation du public et des commerçants

Dans plusieurs pays d’Europe le street fundraising, et dans une certaine mesure le marketing téléphonique, ont contribué de manière décisive au maintien d’une croissance lente mais persistante de la générosité publique au profit des grandes associations à forte notoriété.
Celles-ci  entendent éviter que ce mode de recrutement soit perçu comme trop invasif, au risque d’entamer la confiance du public et d'inciter les autorités communales à prononcer des mesures d’interdiction.

La plupart des associations belges concernées par cette problématique ont dès lors pris l'engagement de respecter une Charte du Dialogue Direct dont les grandes lignes ont été définies dans le cadre d’une concertation coordonnée par l’Association pour une Ethique en Collecte de Fonds (AERF).
Un plan de répartition des équipes de prospection a été mis en place de manière à éviter une concentration trop importante de recruteurs sur certaines artères.

Le public est cependant de plus en plus souvent sollicité sur la voie publique, notamment du fait d’un nombre croissant d’équipes de recruteurs mobilisés par les diverses agences commerciales qui sous-traitent ces opérations de prospection pour le compte de plusieurs associations. 
Citons, parmi les principales agences commerciales actives en street fundraising sur le marché belge: Activate, APPCO, Direct Result, ONG Conseil et Pepperminds.
Plusieurs d'entre elles appartiennent à des structures internationales spécialisées en collecte de fonds.

Diversification

L'accroissement du nombre d'équipes de recruteurs a entrainé une diminution des rendements des opérations menées dans les artères commerçantes des grandes villes. 
Ce constat a amené certaines agences commerciales à diversifier les lieux de prospection.
Certaines sont dès lors également présentes à la sortie de grands établissements commerciaux, tel IKEA pour le compte d’UNICEF et le réseau des magasins Delhaize pour le compte de diverses associations, dont WWF et la Rode Kruis Vlaanderen.
D'autres associations, tel Child Focus, ont préféré s'orienter vers le démarchage en porte-à-porte, cette fois encore en recourant aux services d'une agence commerciale spécialisée.

Comment renforcer les appels à la générosité sans lasser le public ?

La pression accrue consécutive à l'accroissement du nombre de recruteurs a peut-être contribué à accélérer dans certains pays l'érosion du capital de confiance dont le secteur associatif bénéficiait précédemment. 
Si pareille évolution a sans nul doute été observée au Royaume-Uni, aucune enquête n'a pu confirmer dans quelle mesure la fréquence accrue des campagnes de street fundraising provoque également en Belgique un sentiment de lassitude ou d'irritation au niveau des personnes sollicitées.

Concernant la suite à donner à l'actuel contentieux avec la ville d'Ostende, il se pourrait que diverses villes et communes belges puissent s'inspirer des conventions signées au Royaume-Uni entre l'Institute of Fundraising et plus de 125 municipalités locales.
La plus récente convention date d'avril 2017 et concerne la ville de Birmingham (lien1 et lien2).

Sources:
- Het Laatste Nieuws (14/07/2017 - 'Bedelverbod voor goede doelen' (lien)
- Association pour l'Ethique en Collecte de fonds (AERF) - Charte du Dialogue Direct (lien)
- Fundraising Regulator - 'Rulebook for Face-to-Face Fundraising' (lien)