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Pour Isabel de Bruyn (Rotterdam School of Management) un dangereux "effet-halo" affaiblit la vigilance des associations

TRANSP NL Good NGOs Bad Things  1"Je verwacht dat een goed doel ook goed doet."

14/04/2024 - Les organisations caritatives sont habituellement désignées aux Pays-Bas sous l'appellation 'goede doelen'. La thèse qu'Isabel de Bruyn - consultante en philanthropie - a récemment défendue avec succès en février dernier à la Rotterdam School of Management prend pour point de départ le constat selon lequel 'je verwacht dat een goed doel ook goed doet', soit "une bonne cause est supposée faire le bien'.

Or il arrive que l'une ou l'autre organisation caritative fasse l'objet de critiques du fait de pratiques peu conformes aux règles éthiques qu'elle est pourtant supposée respecter. Ainsi des articles de presse se font assez régulièrement l'écho, surtout aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, de pratiques agressives dans le secteur de la collecte de fonds.
Comment expliquer que certaines organisations caritatives semblent esquiver les questions relatives à leurs dysfonctionnements internes, ou sont parfois tentées de justifier des pratiques dont le caractère éthique paraît pour le moins contestable ?

Considérons-nous trop souvent que la fin justifie les moyens ?

La thèse d'Isabel de Bruyn tente d'identifier les causes de cet écart parfois persistant entre les valeurs affirmées par une association et des pratiques qui semblent y être peu ou pas non-conformes. Sa recherche met en avant l'influence décisive d'un effet-halo qui trouverait son origine dans une sur-évaluation par l'organisation des idéaux qu'elle proclame ainsi que des intentions, supposées toujours nobles, de ses collaborateurs.
Cet effet-halo entrainerait une atténuation de la capacité d'analyse auto-critique de l'organisation, qui tendrait dès lors à soit ne plus percevoir le caractère non-éthique de certaines pratiques soit à leur trouver des justifications plausibles.
La volonté de servir efficacement la "bonne cause"  justifierait trop souvent que "la fin justifie les moyens".

Parce qu'elle a précédemment travaillé au sein plusieurs ONG, Isabel de Bruyn se rend compte du fait que les relations d'amitié qui se tissent entre collaborateurs, ainsi qu'entre institutions, peuvent contribuer à atténuer leur capacité collective d'analyse critique des déficiences de leur organisation.
Elle reconnait avoir pu elle-même avoir été influencée par cet effet-halo.

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Ce système de justification serait encouragé par le fait que certaines ONG se réfèrent surtout à la perception interne de ce qui leur parait moralement bon ("morele goedheid"). Elles considèrent dès lors ne pas être nécessairement tenues de prendre en compte les principes éthiques communément admis par d'autres instances, voire par le grand public.
Le modèle explicatif exposé dans la thèse d'Isabel de Bruyn se résume comme suit : "The model proposes that a perceived sense of moral goodness within NGOs can lead to the NGO being glorified by its staff and volunteers, creating the belief within the NGO that it is morally better than it actually is. The glorification of moral goodness is termed as the NGO halo effect, and the model conceptualizes organizational-level factors for how the NGO halo effect can explain NGO unethical behavior."

"Effet-halo" : trois mécanismes d'auto-justification affaiblissent la capacité d'analyse critique des cas de dysfonctionnements

La thèse d'Isabel de Bruyn s'appuie sur les résultats de l'enquête qu'elle a menée aux Pays-Bas auprès d'une trentaine d'interlocuteurs actifs dans le secteur associatif. Ces derniers lui ont fourni près de 150 exemples de comportements non-éthiques constatés au sein de leur organisation: fraudes, falsification de rapports d'impact, discriminations diverses, etc.
Il ressort des témoignages recueillis qu'un certain nombre d'organisations sont tentées d'occulter ou de minimiser la gravité de certains faits, voire parfois de justifier certaines pratiques comme s'il s'agissait d'un mal nécessaire.

Comment expliquer cette faible réactivité de certaines organisations à profit social au moment où elles se trouvent confrontées à des dysfonctionnements d'ordre éthique ?
L'auteure identifie trois mécanismes d'auto-justification qui contribuent à affaiblir la capacité de ces organisations à établir un diagnostic clair de leurs déficiences :

- moral justification : unethical behavior justified by respondents as a means to achieve the NGO’s mission.
- moral superiority explains why NGOs feel motivated to break the law or fight against value-based systems they believe to be wrong and immoral.
- moral naivety : respondents don't see the need for internal ethics programs or the management of ethics - for example needing or implementing a code of conduct, transparently conducting investigations into incidents of unethical behavior, and upholding disciplinary procedures -  due to respondents’ belief in staff and volunteers being inherently good. 

En d'autres termes, et en simplifiant quelque peu : 'Ne critiquons pas trop telle association, puisque sa finalité est de toutes manières noble - Cette finalité peut d'ailleurs justifier qu'elle s'auto-dispense de respecter certaines règles éthiques communément admises - Puisqu'il y a engagement notoirement désintéressé du staff et des bénévoles, l'organisation n'a pas à trop se préoccuper de vérifier le caractère éthique de leurs pratiques.'

D'autres exemples comparables dans le domaine de l'éthique de la collecte de fonds ?

L'auteure ne s'est pas trouvée confrontée, dans le cadre de son enquête, à la problématique délicate des pratiques en matière de fundraising qui, dans certains cas, posent également des questions d'ordre éthique : ventes ou échanges de fichiers de donateurs sans autorisation des personnes concernées, rémunération excessive de certains consultants, streetfundraising (collecte de rue) au travers d'agences commerciales dont le mode de rémunération des équipes de recruteurs peut paraître surprenant, etc.

Il est en réalité pour le moins étonnant de constater que certains mécanismes d'auto-justification identifiés dans la thèse d'Isabel de Bruyn  - moral justification, moral superiority - sont également utilisés par une minorité de fundraisers qui excusent par exemple le recours à des techniques de collecte de fonds que le public juge trop agressives et dès lors non-éthiques. 

Conclusion

Le présent article ne pourrait ambitionner de résumer en quelques lignes la méthodologie apparemment rigoureuse qu'Isabel de Druyn a développée dans le cadre de sa recherche

Contentons-nous, à titre d'exemple, de découvrir le schéma de synthèse repris ci-dessous qui s'appuie sur les quelque 150 témoignages concernant des cas de dysfonctionnements d'ordre éthique, que l'auteure a recueilli dans le cadre de son enquête.
L'auteure tente d'y modéliser le poids respectif des mécanismes d'auto-justification qui, dans le cas des témoignages qu'elle a recueillis, semblent avoir atténué la capacité d'analyse critique des organisations concernées. 

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Précisons que la thèse d'Isabel de Bruyn s'inscrit dans la prolongation d'autres recherches consacrées à la même thématique, qui sont référencées dans les annexes de sa thèse.

 

Sources
- de Bruin Cardoso I., Kaptein M., Meijs L. C. P. M. (2023). The NGO halo effect: How moral goodness can explain unethical behavior. ERIM Report Series. (lien)
- Isabel de Bruyn - Erasmus magazine (02/2024)
   - Waarom goede doelen soms slechte dingen doen (lien)
   - Why charities sometimes do bad things (lien)
- Vakblad Fondsenwerving - 'Isabel de Bruin Cardoso gepromoveerd op onderzoek onethisch gedrag goede doelen' (lien)
- Donateursbelangen - Podcast 'Waarom goede doelen soms onethish handelen' (lien)

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